Aménagement du temps scolaire
et santé de l’enfant
RAPPORT
Aménagement du temps scolaire et santé de
l’enfant
Yvan TOUITOU**, Pierre BÉGUÉ***
Au nom d’un groupe de
travail* de la
Commission X (Maternité - Enfance - Adolescence)
(19 janvier 2010)
RÉSUMÉ
L’Académie nationale de Médecine a constitué un groupe de travail chargé
d’apprécier l’aménagement du temps scolaire sur la santé de l’enfant. Après
avoir décrit l’organisation actuelle du temps scolaire en France dans la
journée, la semaine et l’année, le rapport souligne 1) l’importance de la prise
en compte des rythmes biologiques et psychophysiologiques de l’enfant dans
toute réflexion sur cette question ; 2) la désynchronisation des enfants
c’est à dire l’altération du fonctionnement de leur horloge biologique lorsque
celle-ci n’est plus en phase avec les facteurs de l’environnement entraînant
fatigue et difficultés d’apprentissage ; 3) le rôle néfaste à cet égard de
la semaine dite de 4 jours sur la vigilance et les performances des enfants les
deux premiers jours de la semaine liées à une désynchronisation liée au
week-end prolongé ; 4) le rôle primordial du sommeil chez l’enfant car il
permet un développement harmonieux de l’enfant, restaure les fonctions de
l’organisme, permet de lutter contre la fatigue et favorise les apprentissages.
A la suite de ce rapport, l’Académie nationale de Médecine émet à l’intention
des pouvoirs publics et des parents des recommandations qui, en mettant
l’enfant au centre de la réflexion, insistent sur les liens entre temps
scolaire et santé de l’enfant.
Introduction
La
bonne santé de l’enfant à l’école est nécessaire à son épanouissement personnel
et scolaire. Elle doit être suivie en parallèle et de façon coordonnée par les
parents, les enseignants et le médecin.
A
cet égard, l'organisation du temps scolaire a trois objectifs : améliorer les
conditions d'apprentissage par des emplois du temps appropriés, réduire la
fatigue et les tensions de l'enfant et instaurer une meilleure qualité de vie
de l’enfant dans l'école. L’aménagement du calendrier scolaire a été l’objet de
nombreuses modifications successives (Annexe 1), avec l’apparition dans le
milieu des années 80 de la notion des rythmes de l’enfant dans le débat.
L'interrogation actuelle porte aussi
bien sur l'efficacité de notre système éducatif, sur l'adéquation des temps
scolaire, périscolaire et extrascolaire conçus par l’institution que sur la
santé des enfants en lien avec une perturbation de leurs rythmes biologiques
selon le type de calendrier adopté.
Pour
répondre à ces questions l’Académie nationale de Médecine a créé un groupe de
travail qui a procédé à des consultations de différents acteurs du système
scolaire du Ministère de l’Education nationale ainsi que de chercheurs
spécialistes des rythmes biologiques et psychophysiologiques de l’enfant et de
leurs rapports avec la santé de l’enfant.
1-L’aménagement
du temps scolaire confronté aux rythmes circadiens de l’enfant : Temps
scolaire et rythmes scolaires
Temps scolaire et rythmes scolaires sont deux réalités distinctes : le temps
scolaire est une variable externe régie par l’institution (emplois du temps,
calendrier, …) alors que le rythme endogène de l'enfant est une variable
interne qui lui est propre. L'objectif, pour le bien de l'enfant, est
d'harmoniser ces deux notions c'est-à-dire d'organiser le temps scolaire en
fonction des rythmes biologiques et psychophysiologiques naturels de l'enfant.
L'aménagement du temps scolaire prend en compte de nombreux facteurs sociaux,
économiques, politiques, pédagogiques. Cette réflexion nécessite donc l'avis de
partenaires très différents dont les objectifs peuvent être opposés : parents,
enseignants, chercheurs, industrie du tourisme. Il faut souligner également le
rôle non négligeable des habitudes sociétales actuelles dans les prises de
position des uns et des autres : les loisirs, les week-ends, le temps libre. Il
apparaît ainsi que l’enfant n’est pas au centre de la réflexion.
Parmi les éléments essentiels qui interviennent dans l'organisation du temps
scolaire on trouve le calendrier scolaire et la situation dans ce calendrier
des différentes périodes de vacances, les durées quotidienne, hebdomadaire,
annuelle de l'enseignement, durées qui sont fixées en référence au temps de
service des enseignants. Le temps scolaire ne peut pas être dissocié du temps
périscolaire dans lequel intervient le rôle de la famille. Le temps
périscolaire amène un certain nombre de questions sur ce temps passé en dehors
de l'école, par exemple : Que fait l'enfant après l'école : est-il
chez lui ou dans la rue ? Joue-t-il ? Fait-il ses devoirs, ou
du sport ou de l'ordinateur ? Regarde-t-il la télé ? Est-il seul ou
encadré ?
2-Les
rythmes circadiens de l’enfant d’âge scolaire
2.1
– Rythmes psychophysiologiques
Les moments favorables d'apprentissage dans la journée ont été l'objet d'études
concordantes : l'enfant arrive fatigué à l'école (8 h 30) quelle que soit
la durée de son sommeil la nuit précédente, puis il va augmenter
progressivement ses capacités d'attention et d'apprentissage dans la matinée
avec un pic vers 10 – 11 h, celles-ci vont ensuite diminuer en début
d'après-midi et être à nouveau performantes vers 15 – 16 h [1 – 10].
2.2
– La désynchronisation des rythmes de l’enfant
Un
rythme circadien est la résultante de deux composantes, l’une exogène
correspondant aux facteurs de l’environnement, l’autre endogène correspondant à
notre code génétique. Ces deux composantes interagissent et interviennent de
façon conjointe [11].
La
composante exogène correspond aux
différentes alternances de notre environnement : nuit-jour,
veille-sommeil, chaud-froid, saisons, … Ces facteurs de l’environnement,
appelés synchroniseurs ou donneurs de temps, ne créent pas les rythmes
biologiques mais les modulent c’est-à-dire les entraînent sur 24 h par exemple.
Chez l’homme les synchroniseurs prépondérants sont essentiellement de nature
socio-écologique, comme les alternances lumière-obscurité et veille-sommeil. A
cet égard il faut souligner d’une part l’importance du sommeil dans la
structuration des rythmes circadiens [12, 13], et d’autre part celle de la
lumière dans l’entraînement du système circadien chez l’homme [14, 15].A ces
synchroniseurs naturels de l'environnement s'ajoutent pour l'enfant le rythme
de vie de ses parents et les contraintes institutionnelles (école, …).
La
composante endogène d’un rythme
biologique est mise expérimentalement en évidence dans des expériences
d’isolement dites hors du temps (grottes ou laboratoires aménagés) : les
rythmes circadiens persistent mais leur période est légèrement différente de 24
h car elle n’est plus entraînée par les synchroniseurs de l’environnement.
Cette composante endogène est sous la dépendance de gènes mis en évidence dans
de nombreuses espèces, y compris l’homme [16]. Un organisme est dit synchronisé
lorsqu’il y a résonance entre ses rythmes biologiques (son horloge biologique)
et l’environnement.
Une désynchronisation des rythmes circadiens apparaît lorsqu'il n'existe plus
d'harmonie, c'est-à-dire de relation de phase, entre l'horloge biologique qui
contrôle nos rythmes circadiens et l’environnement c’est à dire le temps de
notre montre [11]. Cette désynchronisation s'accompagne de troubles atypiques tels
que fatigue, mauvaise qualité du sommeil, mauvaise qualité de l'appétit,
troubles de la concentration et des performances qui gêneront considérablement
l'enfant se trouvant dans une telle situation.
La
préservation de ses rythmes biologiques et psychophysiologiques est donc
indispensable à la bonne santé de l'enfantqui dépend, entre autre, de la
qualité de son sommeil dans sa durée et sa régularité.
2.3
– Le sommeil, un élément essentiel des rythmes de l’enfant
Chez l'enfant en bonne santé mais qui présente un déficit de sommeil, les
troubles des rythmes circadiens sont liés à la perte des signaux
synchroniseurs, à des rythmes du lever et du coucher irréguliers (et souvent
tardives pour le coucher), à une exposition à la lumière pendant le coucher ou
encore à des nuisances de l'environnement (bruit, …). Le sommeil a un rôle
essentiel pour l'enfant sur le plan physiologique et psychologique car il
permet un développement harmonieux, restaure les fonctions de l'organisme,
lutte contre la fatigue et favorise les apprentissages.
Les principales caractéristiques du sommeil de l'adulte se mettent en place au
cours des deux premières années de la vie. Chez le pré-adolescent, entre 6 et
11 ans, le sommeil est très stable et la vigilance diurne de l'enfant est
grande. Les besoins en sommeil étant variables selon les enfants, il est
important de considérer la régularité et la bonne répartition des heures de
sommeil plus que le nombre d'heures de sommeil sur un espace de temps. Entre 3
et 10 ans, la durée du sommeil nocturne est réduite d'environ 10 minutes par
an. Cette diminution progressive du temps de sommeil est liée à un retard
lui-même progressif de l'heure du coucher [17, 18].
La prévalence de l'insomnie est importante chez l'adolescent : 17 % se
plaignent de la qualité de leur sommeil, 40 % se plaignent de somnolence
diurne, 20 % des adolescents consultés indiquent avoir consommé des
psychotropes les 12 derniers mois et 4 % des hypnotiques. 29 % des adolescents
font des parasomnies [19 - 21]. Les causes de ces troubles du
sommeil sont d'ordre environnemental (télévision, ordinateur, …) qui entraîne
un syndrome de retard de phase, d'ordre psychologique (anxiété, difficultés
parentales, manque de limite) ou liées à des causes médicales (apnée du
sommeil, syndrome des jambes sans repos, handicap, …).
Bien que les besoins en sommeil de l'adolescent se situent aux environs de 9 h
par nuit, la plupart d'entre eux ne dorment que 7 à 8 h en période scolaire
(enquête SOFRES 2005 : 7 h 46 min en moyenne). La privation de sommeil les
jours scolaires est plus importante chez les filles. Les adolescents compensent
ce déficit en sommeil en allongeant leur temps de sommeil pendant les week-ends
et les vacances, tout en continuant d'avoir des retards du coucher et du lever
pendant ces périodes [22]. Il a été décrit que pendant leurs vacances 85 % des
lycéens (région lyonnaise) dorment plus longtemps : 1 à 2 h de plus pour 49 %,
3 à 4 h de plus pour 21 % et au-delà de5 h pour 3 %.
La mauvaise qualité du sommeil a pour corollaire une altération des capacités
d'apprentissage entraînant une faible réussite scolaire pouvant aller jusqu'au
retard scolaire, des troubles d'anxiété, de dépression et du comportement
(violence, hyperactivité, …).
Les mêmes troubles se retrouvent lors d'études expérimentales de privation de
sommeil. Les facteurs associés à ces perturbations du sommeil sont très
nombreux et peuvent se cumuler : un début d'école trop matinal, des
trajets scolaires longs, des activités extra-scolaires trop nombreuses, la
pression scolaire, des rythmes irréguliers de coucher et de lever, la
consommation télévisuelle et informatique trop importante, la sédentarité, le
stress, l'anxiété, les difficultés scolaires, l'environnement familial.
2.4
– La fatigue de l’enfant
La fatigue de l’enfant à l’école est également en rapport avec ses rythmes
biologiques qui ne sont plus en phase avec l’environnement aussi bien dans les
24 h (diminution du temps de sommeil) que dans la semaine avec la coupure du
week-end pendant laquelle l’enfant se couche encore plus tard que pendant la
semaine et se réveille plus tard le lendemain. La prépondérance de cette
désynchronisation de l’enfant est importante puisqu’elle a été rapportée dans
60 % des cas des enfants fatigués [23] loin devant toute autre cause.
En
dehors de toute maladie, l’enfant est souvent fatigué à l’école. Cette fatigue
est souvent en rapport avec un excès d’activités, qu’elles soient de loisirs
(activités sportives, activités artistiques, temps passé devant l’ordinateur,
…) ou de soutiens scolaires divers (cours particulier, surinvestissement des
parents dans le contrôle des devoirs et leçons, …). Cet ensemble d’éléments
aboutit à une réduction du temps de sommeil, facteur cardinal pour la bonne
santé de l’enfant et, par voie de conséquence, à des troubles de l’attention,
de la somnolence diurne, des troubles du caractère, parfois un syndrome
d’hyperactivité,des troubles anxieux (craintes de mauvais résultats et de
punitions) qui à leur tour engendrent des difficultés d’apprentissage et une
diminution des résultats scolaires [23, 24]. Il faut également souligner dans
ce cadre les effets négatifs de cantines bruyantes et mal adaptées à un
environnement serein lorsque les enfants déjeunent.
La qualité des résultats scolaires de l’enfant fatigué s’en ressent et peut
aller jusqu’à l’échec scolaire si les adultes en charge de l’enfant (parents,
enseignants, médecin) ne sont pas en mesure d’en neutraliser les raisons en
améliorant la qualité de vie des enfants concernés.
3.
Problèmes posés par l’organisation du temps scolaire en France
L’aménagement
du temps scolaire en France n’est pas en cohérence avec ces connaissances de la
chronobiologie de l’enfant et cela à tous les niveaux de l’organisation,
journée, semaine ou année scolaire.
3.1
– La journée scolaire
Dans
le primaire
La journée scolaire qui se déroule en France de 8 h 30 à 16 h 30 devrait être
améliorée en brisant ces horaires conventionnels pour organiser une semaine
scolaire sur une journée moins longue (5 h par exemple et sur une semaine de 4
jours et demi ou 5 jours comme dans la plupart des pays européens, en proposant
1 h d'études dirigées en fin de classe l'après-midi). Ces transformations
devront avoir l'accord de la commune et d'autres instances comme le Conseil
Général qui devront donner les moyens financiers nécessaires pour les réaliser.
Au collège
Le
traitement de l’emploi du temps est actuellement le même au collège, quelle que
soit la classe (de la 6ème à la 3ème), sans tenir compte
de l’âge de l’enfant. Or le passage du primaire au collège entraîne une
rupture difficile à gérer car l’élève doit résoudre de nombreux problèmes
auxquels il n'est pas habitué : professeurs qui se succèdent dans la journée,
nombreux conseillers d’éducation, infirmier scolaire, médecin scolaire. Il faut
y ajouter la multiplicité des classes et des salles, la taille parfois très
importante de l’établissement et son environnement. Tout cet ensemble
conditionne la vie de l’élève au collège.
Dès la 6ème, l'enfant a une séquence précise d’heures de cours
auxquelles s'ajoutent de nombreuses options : sports, actions éducatives,
ateliers. Cet ensemble représente un temps de présence important auquel il faut
ajouter l'attente du ramassage scolaire pour certains élèves.
Quelle que soit la classe, l'emploi du temps décousu n'est pas rare au collège
: un cours par exemple de 8 h à 9 h le matin puis rien pendant 2 h, et reprise
d’un cours à 11 h. Ce type de séquences décousues entraîne une fatigue chez
l'enfant.
3.2–
Nombre d’heures scolaires hebdomadaires
A
l’école maternelle et élémentaire, la
durée de la semaine scolaire est fixée à 24 h d’enseignement, organisée à
raison de 6 h par jour sur 4 jours, les lundi-mardi-jeudi et vendredi (dans le
cadre de la semaine dite de 4 jours généralisée à la rentrée 2008-2009)
Au collège, la durée hebdomadaire des cours est comprise entre 25 et 28
h.
Au lycée, la durée hebdomadaire des cours est comprise entre 30 et 40 h
selon la série et les options choisies par l’élève.
3.3 –
Répartition du temps scolaire hebdomadaire : la semaine de 4 jours
La France tient en Europe une position très particulière en matière de temps
scolaire. Les écoles des pays européens travaillent en majorité cinq jours
d’affilée, certaines fonctionnent sur 4 jours et demi avec le mercredi matin
travaillé. Les écoliers français ont une charge quotidienne de travail à
l’école beaucoup plus importante, par exemple de 2 h de plus que les écoliers
suédois
Les semaines de 4 jours, 4 jours et demi ou 5 jours de classe ont fait
l'objet de recherches qui montrent que l’aménagement hebdomadaire en 4 jours
n'est pas favorable à l'enfant car celui-ci est plus désynchronisé le lundi et
le mardi matin que dans la semaine habituelle de 4 jours et demi [1 – 6, 25,
26]. Par ailleurs, un certain nombre d’études ont établi que les performances
mnésiques sont meilleures après un week-end de un jour et demi comparé à un
week-end de deux jours comme dans la semaine de quatre jours actuelle [6].
De plus, le sommeil est un facteur indispensable à la bonne santé de l'enfant
et certains travaux ont corrélé les difficultés scolaires à un sommeil
insuffisant.
Une expertise collective de l’INSERM menée en 2001 à la demande de la CNAM
souligne que les variations hebdomadaires de l’activité intellectuelle
seraient, à la différence des variations journalières, davantage le reflet de l’aménagement
du temps scolaire que d’une rythmicité endogène propre à l’élève [27].
3.4
– Durée annuelle de l’enseignement dans le primaire
L’année
scolaire comporte 36 semaines réparties en 5 périodes de travail, de durée
comparable, qui sont séparées par 4 périodes de vacances. Le calendrier
scolaire est arrêté par le Ministère de l’Education Nationale pour une période
de trois années. Le calendrier national scolaire obéit actuellement aux grands
principes suivants :
-
2 semaines de vacances à Noël, en février et au printemps ;
-
10 jours de vacances à la Toussaint ;
-
mois de juillet et août entièrement vaqués.
L’enseignement actuellement dispensé en France aux élèves du primaire dans le
cadre de la semaine de 4 jours est donc réparti sur 144 jours de classe par an
(36 semaines de 4 jours) correspondant à 864 h de cours annuel (et à 936 h de
cours pour les enfants bénéficiant de 2 heures hebdomadaires supplémentaires
« d’aide personnalisée »). Le nombre annuel d’heures d’enseignement
est ainsi compris entre 864 h et 1 033 h selon l’âge des élèves ce qui place
notre pays parmi ceux ayant le nombre d’heures d’enseignement annuel le plus
élevé par comparaison avec des pays comme la Finlande (608 h), la Norvège
(620 h), l’Allemagne (622 h). Les annexes 2 à 4 présentent les
données de l’ OCDE sur la comparaison de l’année scolaire dans divers pays
européens [28].
Pour
tenir compte des données biologiques il faudrait une année scolaire de 180 à
200 jours (avec comme corollaire la réduction des grandes vacances), 4
–6 h de travail par jour selon l’âge de l’élève, 4 jours et demi à 5 jours de
classe par semaine en fonction des saisons ou des conditions locales.
4
- Aménager les temps de vie des jeunes
Les temps de l'école et de vie des enfants se sont progressivement structurés
en fonction de l'évolution de notre société et en fonction des demandes et des
besoins sociaux.
Depuis les années 80, les emplois du temps journaliers, hebdomadaires et
annuels sont l'objet de débats : coupure de la semaine par un congé en milieu
de semaine le mercredi (au lieu du jeudi), raccourcissement des vacances d'été
à 2 mois, augmentation de la durée des vacances de février.
La solution idéale n'existant pas, il faut trouver un compromis entre l'intérêt
de l'élève et les besoins de l'adulte. Il faut tenir compte également de la vie
et de l'activité de l'élève en dehors de l'école. Ce compromis nécessite l'avis
des enseignants, parents, scientifiques, responsables de mouvements
associatifs, décideurs [27].
4.1
– Le système scolaire français
est-il efficace ?
Le programme PISA, acronyme de Programme for International Student Assessment,
correspond à une évaluation triennale (depuis 2000) des performances des
systèmes éducatifs des 30 pays membres de l’OCDE et de nombreux pays
partenaires.
Cette évaluation porte sur les compétences des élèves de 15 ans dans trois
domaines : compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture
scientifique [29, 30].
Les
adolescents français de 15 ans se situent en 7è position par rapport
à d'autres pays européens pour leurs performances cumulées dans les domaines de
la compréhension de l'écriture, des mathématiques et des sciences et en
2006 à la 25ème place pour la culture scientifique de
l’ensemble des pays évalués (n = 57). Ce classement des élèves français peut
être lié, entre autres, à des méthodes d’enseignement non ou mal évaluées et à
une mauvaise distribution des enseignements dans le temps.
4.2
– Evaluation des différents aménagements expérimentaux
L’évaluation des différents
aménagements expérimentaux par les chronobiologistes et psychologues amène
àquatre enseignements :
1
– Les variations journalières des performances intellectuelles sont
encore plus présentes chez les élèves qui ne maîtrisent pas la tâche : plus le
niveau des élèves est élevé, moins leurs résultats varient dans la journée ou
la semaine.
2
- Les activités péri- et extra-scolaires (socioculturelles et
sportives) sont importantes, lorsqu’elles sont bien dosées, car elles
participent au déroulement harmonieux des différentes phases du sommeil
et à l'épanouissement physique et psychique des élèves en améliorant les
comportements, l'écoute, l'attention et donc l'apprentissage.
3
– Libérer du temps pour l'élève n'est pas forcément synonyme
d'épanouissement sans politique d'accompagnement (péri- et extra-scolaire).
4
- Eviter la semaine de 4 jours car elle engendre une journée
scolaire plus chargée ou une réduction des "petites vacances" ou un
allongement du 1er trimestre. La libération du temps est profitable
à l'enfant si son milieu culturel environnant le permet. En l'absence
d'encadrement, l'enfant est laissé à lui-même (abus de temps passé devant la
télévision, l'ordinateur ou dans la rue).
En conclusion
Si on met l’enfant au centre de la réflexion sur le temps scolaire il faut
prendre en considération l’apport des rythmes biologiques en attirant
l’attention sur les éléments suivants :
-
le sommeil : de sa durée et de sa qualité dépendent le comportement à
l'école, le niveau de vigilance et de performances. Il serait à cet égard
important de retarder l'entrée des enfants en classe en créant une période
intermédiaire d’activités calmes en début de matinée, car l’enfant arrive
fatigué à l’école, surtout lorsque son temps de sommeil n’est pas respecté. De
plus, un coucher tardif n’est pas totalement compensé par un lever tardif.
-
les variations quotidiennes de l'activité intellectuelle et de la vigilance : elles progressent du début jusqu'à la fin de la
matinée, s'abaissent après le déjeuner puis progressent à nouveau au cours
de l'après-midi. Deux débuts sont difficiles pour l'enfant : début
de matinée et début d'après-midi. A cet égard la semaine de 4 jours(lundi,
mardi, jeudi, vendredi) s'accompagne d'une désynchronisation avec
diminution de la vigilance de l'enfant les lundi et mardi
-
les variations annuelles de la résistance à l'environnement : les
périodes difficiles pour l’enfant sont l’automne, la période de la Toussaint
(dont les vacances devraient être étendues à 2 semaines), et l’hiver
vers fin février ou début mars [31].
-
le bruit :les grandes salles des cantines très bruyantes devraient être
transforméesen plusieurs petites unités pour amortir le bruit.
-
la vie à l’école : il faudrait tenter dediminuer le stress de l'enfant et
le surmenage scolaire par des programmes adaptés et non pléthoriques ;
éviter le transport de cartables lourds grâce, par exemple, à
l’utilisation de casiers à l’école ; instituer une heure d’étude
surveillée en fin d’enseignement.
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MENRT - DEP – DEF – 02 – 137, 2002, 1 vol., 182 p.
[30]
OCDE – PISA 2000-2006. — Technical report, www.ocde.org
[31]
HUGUET G., TOUITOU Y., REINBERG A. — Morning versus afternoon gymnastic
time and diurnal and seasonal
changes in psychophysiological variables of school
children. Chronobiol. Int.,
1997, 14, 371-384.
Recommandations de l’ANM
sur le temps scolaire et la santé de l’enfant
L’Académie
nationale de Médecine considérant que l’aménagement du temps scolaire et la
santé de l’enfant sont étroitement liés, présente les recommandations suivantes
destinées aux décideurs et aux parents.
1-
Recommandations destinées aux décideurs
·
Mettre l’enfant au centre de toute réflexion sur le temps scolaire, en tenant
compte des connaissances actuelles sur les rythmes circadiens et les
besoins physiologiques des enfants et des adolescents, en introduisant la
notion d’hygiène de travail respectant leurs rythmes .
·
Aménager la journée scolaire en fonction des rythmes de performance et
enseigner les matières difficiles aux moments d’efficience scolaire reconnus,
en milieu de matinée et en milieu d’après-midi.
·
Aménager la semaine sur 4 jours et demi ou 5 jours en évitant la
désynchronisation liée à un week-end dont le samedi matin est libre
·
Respecter le sommeil de l’enfant et le considérer comme un sujet de santé
publique au même titre que tabac, alcool et alimentation.
·
Evoluer vers un calendrier de 7-8 semaines de classe et 2 semaines de vacances
ce qui implique un remaniement des 1er et 3è trimestres.
·
Alléger le temps de présence quotidien de l'élève à l'école en fonction de son
âge.
·
Créer un Observatoire des Rythmes de l’enfant pour suivre les aménagements du
temps scolaire permettant de faire des propositions.
2-
Recommandations destinées aux parents
·
Informer sur le rôle fondamental du sommeil pour la bonne santé de l’enfant et
veiller à une quantité de sommeil suffisante et à des horaires de lever et de
coucher réguliers.
·
Restreindre le temps passé par les enfants devant un écran à moins de 2 heures
par jour (recommandation de l'Association américaine de pédiatrie) et éviter la
télévision avant le coucher.
·
Supprimer télévision et consoles de jeu de la chambre de l’enfant.
·
Aménager le temps périscolaire et favoriser les activités structurées sportives
et culturelles.
Annexes
Annexe
1 : Histoire succincte du
calendrier scolaire en France
-
3ème République : l’écolier est en classe 6 h par jour et
5 jours sur 7. Il a 2 jours vaqués
hebdomadaires : le jeudi consacré à l’instruction religieuse et le
dimanche. Les grandes
vacances
durent 1 mois et demi auxquelles s’ajoutent une semaine à Pâques et quelques
jours fériés dans l’année.
-
Fin des années cinquante : l’équilibre entre temps de travail et de repos
pour l’élève est souligné par les pouvoirs publics. Une circulaire de 1956
recommande la suppression des devoirs du soir.
-
Années soixante : avec la croissance économique et la démocratisation et
la massification du tourisme, le calendrier scolaire est moins un enjeu
politique et moral, et devient un enjeu économique pour les industriels du
tourisme.
-
1969 : arrêt des cours le samedi après-midi. Le temps de présence de
l’élève à l’école passe de 30 à 27 h.
-
1972 : le jeudi libre est remplacé par le mercredi.
-
1980 : un rapport du Conseil économique et social souligne que la France
est le pays où la durée des grandes vacances est la plus longue avec la journée
scolaire la plus chargée. Les études scientifiques soulignent la fatigue des
enfants à l’école, en particulier en octobre – novembre et février – mars et la
nécessité de vacances de 10 jours au moins à ces périodes pour l’enfant.
1986 :
la périodicité 7 semaines de travail suivies de 2 semaines de repos est
instituée (appelé rythme 7 – 2). Cette périodicité sera en place pendant un an
seulement. Les vacances d’été durent 2 mois.
2008 :
institution de la semaine de quatre jours.
Annexe 2 : Temps total passé en classe de l’âge de 7 ans à l’âge
de 14 ans dans différents pays (2006)
Source : OCDE (2008) :
Environnement pédagogique et organisation scolaire
Annexe 3 : Comparaison du nombre annuel d’heures des élèves de
7-8 ans, 12-14 ans et 15 ans (2006)
Source : OCDE
(2008) : Environnement pédagogique et organisation scolaire
a : sans objet pour le
pays
m : données manquantes
Annexe 4 : Comparaison par pays du nombre annuel d’heures selon
le cycle (2006)
Source : OCDE (2008) :
Environnement pédagogique et organisation scolaire
Personnalités
auditionnées par le Groupe de Travail :
Mr
René MACRON, Chef du bureau des Ecoles au Ministère de l’Education nationale.
Mme
Jacqueline BLOAS-GONIN, Chef du Bureau des collèges au Ministère de l’Education
nationale.
Dr Marie-
Josèphe Challamel Marie-Jo CHALLAMEL, Unité INSERM U628, unité du sommeil de
l’enfant, Faculté de médecine (Lyon).
Professeur François
TESTU, UFR Arts et Sciences humaines, Université Rabelais (Tours).
*
* *
L’Académie, saisie dans
sa séance du mardi 19 janvier 2010, a adopté le texte de ce rapport à
l’unanimité.
Pour copie certifiée
conforme,
Le Secrétaire perpétuel,
Professeur Jacques-Louis BINET
.
.
Cliquer sur "Pièce jointe" pour obtenir les
graphiques illustrant les annexes
28/01/2010
* Groupe de
Travail constitué de : MM. M. Arthuis (†), P. Bégué, Y.
Touitou, G. Lasfargues,
J. Battin, A. Barois, M. Cara (†), J. Senécal
** Membre
correspondant de l’Académie nationale de médecine
*** Membre de
l’Académie nationale de médecine
RAPPORT
Au nom d’un
groupe de travail* de la Commission X
(Maternité - Enfance - Adolescence)
Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant
Yvan
TOUITOU**, Pierre BÉGUÉ***
(19 janvier 2010)
ANNEXES
Annexe 1 : Histoire
succincte du calendrier scolaire en France
- 3ème République : l’écolier est en
classe 6 h par jour et 5 jours sur 7.
Il a 2 jours vaqués
hebdomadaires : le jeudi consacré à l’instruction religieuse et le
dimanche. Les grandes
vacances durent 1 mois et demi auxquelles s’ajoutent
une semaine à Pâques et quelques jours fériés dans l’année.
- Fin des années cinquante : l’équilibre entre
temps de travail et de repos pour l’élève est souligné par les pouvoirs
publics. Une circulaire de 1956 recommande la suppression des devoirs du soir.
- Années soixante : avec la croissance
économique et la démocratisation et la massification du tourisme, le calendrier
scolaire est moins un enjeu politique et moral, et devient un enjeu économique
pour les industriels du tourisme.
- 1969 : arrêt des cours le samedi après-midi.
Le temps de présence de l’élève à l’école passe de 30 à 27 h.
- 1972 : le jeudi libre est remplacé par le
mercredi.
- 1980 : un rapport du Conseil économique et
social souligne que la France est le pays où la durée des grandes vacances est
la plus longue avec la journée scolaire la plus chargée. Les études
scientifiques soulignent la fatigue des enfants à l’école, en particulier en
octobre – novembre et février – mars et la nécessité de vacances de 10 jours au
moins à ces périodes pour l’enfant.
1986 : la périodicité 7 semaines de travail
suivies de 2 semaines de repos est instituée (appelé rythme 7 – 2). Cette
périodicité sera en place pendant un an seulement. Les vacances d’été durent 2
mois.
2008 : institution de la semaine de quatre
jours.
Annexe 2 : Temps total passé en classe de l’âge de 7 ans à l’âge
de 14 ans dans différents pays (2006)
Source : OCDE (2008) :
Environnement pédagogique et organisation scolaire
Annexe
3 : Comparaison du nombre
annuel d’heures des élèves de 7-8 ans, 12-14 ans et 15 ans (2006)
Source : OCDE (2008) :
Environnement pédagogique et organisation scolaire
a :
sans objet pour le pays
m : données manquantes
Annexe 4 : Comparaison par pays du nombre annuel d’heures selon
le cycle (2006)
Source : OCDE (2008) :
Environnement pédagogique et organisation scolaire